Le plan OSTRAL

Revue de presse Lecture: 6'

Thème(s)

Approvisionnement énergétique

Publication de l'article

Sven Mahon
Publié le: 25.11.2022
Révisé le: 27.07.2023

Sujets de l'article

Thème(s)

Approvisionnement énergétique

Publication de l'article

Sven Mahon
Publié le: 25.11.2022
Révisé le: 27.07.2023

Le conflit russo-ukrainien, les travaux de maintenance sur les réacteurs nucléaires français et la sècheresse estivale ont accru le risque de pénurie énergétique en Suisse cet hiver. Pour mitiger et gérer ce dernier, la Confédération dispose d’un mode d’organisation appelé OSTRAL.

Qu’est-ce que le plan OSTRAL ?

OSTRAL est l’acronyme de « Organisation für Stromversorgung in Ausserordentlichen Lagen » (soit, en français, « organisation pour l’approvisionnement en électricité en cas de crise »). Plan ou mode d’organisation, le plan OSTRAL fut créé dans les années 1990 par l’Association des entreprises électriques suisses (AES, voir description plus bas) sur demande de la Confédération, afin de pouvoir parer à une éventuelle pénurie d’électricité. Le plan dépend de l’Approvisionnement économique du pays (AEP, voir description plus bas) et devient actif sur son ordre si une pénurie d’électricité survient (1). Un schéma et des explications sur les associations en lien avec OSTRAL sont présentés ci-dessous.

Association des entreprises électriques suisses (AES) – L’AES, créé en 1895, regroupe et coordonne les intérêts sur le sujet de l’électricité en Suisse, notamment l’approvisionnement grâce à des accords internationaux (2). Elle vise à renforcer et à uniformiser la position de la branche et à concentrer les intérêts des entreprises électriques sur les plans sociaux et politiques. L’AES comprend environ 400 membres issus du secteur électrique suisse public et privé. Son comité est composé de représentants des plus grandes entreprises électriques suisses. Les entreprises membres de l’AES produisent, transportent, distribuent et négocient de l’énergie électrique et assurent environ 90% de l’approvisionnement électrique en Suisse.

Approvisionnement économique du pays (AEP) – L’AEP est une organisation privée dont le domaine d’expertise est l’approvisionnement du pays dans plusieurs domaines économiques, mais notamment l’énergie. Elle est dirigée par un-e délégué-e à temps partiel nommé-e par le Conseil fédéral issu du milieu privé ; il s’agit de Werner Meier depuis 2016. Werner Meier, ancien membre du conseil national sous la bannière du parti socialiste, est « Chef Group Security & Business Continuity Management » chez Alpiq SA. En situation de pénurie énergétique, l’AEP intervient lorsque les entreprises privées ne sont plus en mesure de gérer seules la situation. La collaboration entre l’État et le privé est donc sa force majeure. Elle est notamment intervenue durant la crise du COVID 19 et, plus récemment, pour prévenir une crise énergétique cet hiver (3).

L’OSTRAL propose un programme à plusieurs niveaux pour prévenir et agir lors d’une pénurie électrique.

Niveau 1

Le niveau de préparation 1 est en fonction tout le temps. Dans cette phase, l’AEP surveille l’approvisionnement électrique. Ce niveau ne témoigne pas nécessairement d’une situation de pénurie, mais d’un fonctionnement normal surveillé (1). Dans la situation actuelle en Suisse, ce niveau a largement été dépassé.

Niveau 2

Si une pénurie s’annonce, l’AEP met OSTRAL en alerte. Dans cette situation, on passe au niveau de préparation 2. Les autorités et l’AEP appellent la population à économiser de l’électricité de manière volontaire (1). Le Conseil fédéral a lancé une campagne d’économie d’énergie le 31 août dernier (4). Cette campagne a pour but de renforcer les stocks énergétiques suisses en vue de l’hiver à venir. Les recommandations de la Confédération rappellent à la population des gestes simples pour consommer moins d’énergie pour la production d’eau chaude, le chauffage, les appareils électriques et la cuisine. Cette campagne relève du niveau de préparation 2 du plan OSTRAL. Ces mesures complètent les réflexions d’experts quant à la consommation énergétique de notre pays. Selon Werner Legibühl, de l’ElCom, il faudrait « employer l’énergie à meilleur escient » et l’électricité, en particulier, est utilisée « de manière totalement irréfléchie ». Stella Jegher, de ProNatura, citée dans le même article du quotidien Le Temps (5), estime, sur la base d’une étude réalisée en collaboration avec l’université de Genève, que l’industrie, l’artisanat et les ménages pourraient « économiser un tiers de l’électricité sans même s’en rendre compte », en misant notamment sur des mesures dans le domaine du chauffage et de la climatisation.

Niveau 3

Dans le cas où le niveau de préparation 2 ne suffit pas à mitiger les risques de pénurie, le niveau 3 est atteint. Le ou la délégué-e de l’AEP demande au Conseil fédéral que des mesures de gestion réglementée appropriées soient mises en vigueur (1). Les mesures de sobriété énoncées au niveau de préparation 2 ne suffisant pas à supprimer les risques de pénurie électrique, des mesures additionnelles de gestion doivent être mises en place par le Conseil fédéral, puis exécutées dans le cadre de l’OSTRAL.

Niveau 4

En situation de crise, le niveau 4 est levé. Le Conseil fédéral met en vigueur les mesures appropriées citées au niveau 3 par voie d’ordonnance, et l’AEP charge OSTRAL d’exécuter ces mesures. Celles-ci concernent la production, ainsi que la consommation d’électricité. En fonction de l’intensité de la pénurie, elles peuvent se révéler modérées ou au contraire radicales. Sur le site de l’OSTRAL, des exemples de mesures sont donnés : « le pilotage centralisé du parc suisse de centrales, une interdiction de certains consommateurs d’électricité (restrictions de consommation ou interdictions d’applications gourmandes en énergie et non indispensables), ou des contingentements d’électricité pour les gros consommateurs (qui consomment plus de 100 MWh par année) ». Ces mesures ont pour but d’éviter d’atteindre le cas le plus extrême, le délestage, situation où le réseau électrique est totalement coupé pendant plusieurs heures dans certaines régions (1).

La théorie étant évoquée, que se passe-t-il en pratique dans la situation énergétique actuelle en Suisse ?

La première étape est d’augmenter la production d’électricité pour réduire les risques de pénurie. Pour ce faire, le Conseil fédéral acquiert ou loue des centrales électriques actives ou à l’arrêt à titre de centrales de réserve. Ces dernières fonctionnent généralement au gaz, au mazout ou à l’hydrogène. Selon la RTS (6), l’objectif est de remettre en route certaines de ces centrales et produire de l’électricité uniquement pour la réserve et non pour le marché. La centrale de réserve de Birr (AG) est un candidat idéal, qui permettrait de fournir un quart de l’objectif de puissance fixé par le Conseil fédéral (1000 MW) pour les centrales de réserve. Le Conseil fédéral a prévu une autre réserve électrique pour cet hiver, les barrages. En effet, une ordonnance prévoit que certains barrages turbinent peu en début d’hiver afin de faire des réserves d’eau pour la fin de l’hiver si besoin est (7). Ces deux mesures ne sont toutefois pas sans conséquences. Le retour aux énergies fossiles est représentatif du progrès insuffisant des énergies renouvelables en Suisse. De plus, ces ordonnances provoquent des coûts supplémentaires pour chaque utilisateur d’électricité en Suisse.

Le second moyen pour réduire les risques de pénurie est de diminuer la consommation électrique. Dû au manque de plan d’économie d’électricité destiné aux cantons. Les villes et cantons doivent prendre des mesures par eux-mêmes. Par exemple, dans le canton de Vaud, deux mesures principales ont été prises par le conseil d’État vaudois (8). Le chauffage est baissé à 20 degrés dans les bâtiments étatiques et les monuments historiques ne sont plus éclairés à partir de 23 heures. D’autres mesures sont étudiées, comme la réduction des éclairages publicitaires et commerciaux. Dans une situation de pénurie plus extrême, l’arrêt total de certains lieux (salles de gym, musées, piscines) est envisagé. La ville de Zürich a quant à elle mise en place dès début septembre des mesures pour économiser de l’électricité (9). L’éclairage et le chauffage réduit dans les bâtiments administratifs, la température des piscines diminués d’un degré et l’arrêt de certaines fontaines. Ces mesures ont été prises par la municipalité de Zürich. Les mesures prises par le canton de Vaud et la ville de Zürich sont des mesures appliquées un peu partout en Suisse. Celles-ci sont encore sans grandes conséquences, car la qualité de vie n’est que très peu touchée. Les ordonnances plus conséquentes (contingentements, délestages) seront mises en place par la confédération si la situation électrique s’aggrave.

Les différents niveaux du plan OSTRAL sont schématisés ci-dessous.

Comparaison avec le plan énergétique français

Le spectre de tensions sur l’approvisionnement énergétique prévues pour l’hiver prochain touche également la majorité des pays européens. En particulier, le gouvernement français a lancé début octobre un « plan de sobriété énergétique » (10). L’objectif principal de ce plan est de réduire la consommation énergétique française de 10% en deux ans. Les principales mesures liées à l’économie d’électricité concernent plusieurs domaines comme le chauffage, les transports, les administrations, les commerces et les entreprises, les loisirs et la culture, et pour finir les rénovations énergétiques. Un plan de sobriété de grande ampleur n’est pour l’instant pas présenté par la Confédération, qui laisse plus de liberté aux cantons et aux villes. Le terme « sobriété » est utilisé par le gouvernement français, alors que ce plan est simplement une diminution du gaspillage énergétique présent dans le pays. Il ne s’agit pas de « sobriété » au sens propre, qui signifie modération, réserve. Ce terme est dorénavant « monopolisé » par le gouvernement et quelque peu « déformé » de sa définition première.

La France possède un atout quant à la disponibilité des données de consommation. En effet, selon Élisabeth Borne (10), Première ministre française, il sera publié « chaque semaine l’évolution de notre consommation d’électricité et de gaz. Cela nous permettra, avec la météo de l’énergie, de voir si nous avons réalisé notre objectif d’économie énergétique. ». Ces propos recueillis par Le Point démontrent une intention de suivre de près l’évolution des consommations énergétiques. Cette disponibilité est un enjeu important pour pouvoir observer et analyser les progrès ou non en matière d’économie d’énergie. C’est pourquoi, la Suisse a aussi décidé de suivre en temps réel la consommation du pays.

Dans une situation extrême de pénurie électrique, d’autres mesures sont prévues et étaient déjà analysées sur France 24 en juillet dernier (11). RTE, l’entreprise qui gère le réseau de transport d’électricité en France, peut actionner certains leviers pour ajuster l’offre et la demande électrique. L’interruptibilité est la première mesure, certaines entreprises ont accepté (avec rémunération) de voir leur accès électrique coupé pendant une courte période en cas de surcharge du réseau électrique. Cette mesure a déjà dû être appliquée en 2019 et en 2020, cela n’est le cas des mesures suivantes. Une baisse de tension générale peut être également envisagée lors d’une surcharge. La mesure la plus extrême est similaire aux délestages suisses. Le réseau est coupé dans une région pendant plusieurs heures, ces coupures seraient programmées et annoncées à l’avance. Les plans énergétiques sont comparables aux idées suisses et la stratégie de sobriété est respectée dans les deux pays.

Références

(1) Sur OSTRAL, Disponible : https://www.ostral.ch/fr/sur-ostral (Consulté le 17.10.22)

(2) L’association, Disponible : https://www.strom.ch/fr/propos/lassociation (Consulté le 17.10.22)

(3) Présentation de l’Approvisionnement économique du pays, Disponible : https://www.bwl.admin.ch/bwl/fr/home/wirtschaftliche_landesversorgung/prasentation_wl.html (Consulté le 03.11.22)

(4) Energie : Le Conseil fédéral lance la campagne d’économies d’énergie, Disponible :https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques/communiques-conseil-federal.msg-id-90158.html (Consulté le 17.10.22)

(5) La Suisse pourrait subir des coupures d’électricité cet hiver, Le Temps avec ATS, 7 août 2022.

(6) Le Conseil fédéral ouvre une consultation sur les centrales de réserve, RTS Info, 20 octobre 2022.

(7) David Haeberli, Les barrages fourniront une partie de l’énergie nécessaire si la Suisse venait à en manquer l’hiver prochain, Le Temps, 6 septembre 2022.

(8) Vaud annonce une limitation de son chauffage et d’autres mesures sur l’énergie, RTS Info, 28 septembre 2022.

(9) Zurich éteint la lumière et baisse la température de ses piscines, Le Temps avec ATS, 7 septembre 2022.

(10) Crise énergétique : découvrez les mesures phares du plan énergétique, Le Point, 6 octobre 2022.

(11) Jean-Luc Mounier, Gaz, électricité : quels scénarios en France en cas de pénurie d’énergies ?, France 24, le 21 juillet 2022.

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