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En 1929, Le Corbusier déclare : « La fenêtre est faite pour éclairer, non pour ventiler ». Il est en effet vrai que les fenêtres d’un bâtiment doivent souvent jouer plusieurs rôles contradictoires. La volonté de décomposer les fonctions de la fenêtre est l’une des lignes de force de la Sloan House II, réalisée par l’architecte G. F. Keck en 1942.
À chaque fonction son dispositif
Si la fenêtre peut remplir plusieurs fonctions (laisser passer la lumière tout en isolant du froid ; laisser passer le rayonnement solaire en hiver tout en le bloquant en été ; s’ouvrir pour permettre la ventilation, mais sans trop ventiler, tout en protégeant le bâtiment des effractions), il est possible, en suivant le souhait du Corbusier, la séparation des fonctions peut devenir un guide de conception architecturale. Comme pour sa première Sloan House (1940), Keck conçoit non seulement la maison pour maximiser les gains solaires et réduire les besoins de chauffage, mais il cherche aussi à ne laisser aux fenêtres qu’une fonction d’éclairage. Il utilise ainsi des ouvrants de ventilation indépendants des fenêtres, constitués de jalousies fixes et d’une petite trappe manuelle, le tout en bois. Il prévoit des fenêtres fixes composées de Thermopane triples, probablement l’un des premiers triple-vitrages jamais installés dans un bâtiment.
Une réflexion sur les pertes thermiques vers le terrain
Contrairement à la première Sloan House, la Sloan House II est très simple et modeste dans son expression. En particulier, l’avant-toit de la façade sud a été traité d’une nouvelle façon : il est accolé au reste de la maison et supporté par des poteaux extérieurs. L’avant-toit est plat, comme toute la toiture.
Enfin, la Sloan House II est pour Keck l’occasion d’une réflexion sur le chauffage et les pertes thermiques vers le terrain. Il introduit un système de chauffage de sol fait de briques creuses à travers lesquelles circule de l’air chaud. Il relève que les recommandations techniques surestiment largement les pertes de chaleur vers le terrain. En conséquence, il ne prévoit aucune isolation thermique entre la dalle chauffante et la terre. Il est intéressant que cette réflexion soit menée dans les années 1940 déjà, alors que les physiciens du bâtiment des années 2010 la mènent encore, et préfèrent à juste titre une isolation contre terre de 10 cm au maximum là où les calculs pousseraient à prévoir le double.
L’économie de chaleur dégagée par la Sloan House II est estimée par la compagnie de chauffage locale à 40% par rapport à une maison moyenne de même taille. Au-delà de cette performance, il est intéressant de retenir qu’une maison dite « solaire » peut très bien sortir du stéréotype de la baie vitrée et de la toiture en casquette. La démarche de maximisation des gains solaires peut aussi ne pas marquer l’expression architecturale du bâtiment si tel est le souhait des concepteurs. Enfin, la Sloan House II met en évidence deux nouvelles figures de conception : avant-toit détaché vs avant-toit en prolongement, jalousies de ventilation vs fenêtres ouvrantes.
Référence
Photo et informations :
Anthony Denzer : The Solar House. Pioneering Sustainable Design. Rizzoli International Publications Inc., New York, 2013, 256 pp.
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